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Jérémie Boudreault se mérite la bourse Ken Thompson de l'ACRH

Au 490 | Affiché 654 fois | Publié le mercredi 23 mai 2018 à 08:16


Jérémie Boudreault, étudiant à la maitrise en sciences de l'eau et ambassadeur 2017 du centre ETE, s'est mérité la bourse Ken Thomson de l'Association canadienne des ressources hydriques (ACRH). La bourse, d'une valeur de 2000 $, est décernée au candidat qui termine deuxième au concours annuel des bourses de l'Association. Cette bourse est accordée à même un fonds spécial établi en l’honneur de M. Ken Thomson.

L’ACRH offre anuellement cinq bourses d’études à des étudiants diplômés dont le programme d’études est axé sur une facette des sciences appliquées, des sciences naturelles ou des sciences sociales ayant un lien avec les ressources en eau.

Félicitations Jérémie!

Pour en savoir plus sur la bourse : https://cwra.org/fr/home/awards/scholarships

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Mais qui était donc Ken Thomson? Il y a plusieurs personnes connues de ce nom mais le plus probable dans notre cas est Kenneth Thomson (1923-2006), milliardaire canadien et propriétaire majoritaire de l'entreprise Thomson Corporation, incluant Thomson Reuters, laquelle était jusqu'a récemment propriétaire, entre autres, de Web of science et Endnote. Mais il y a aussi un Ken Thomson informaticien américain créateur des systèmes UNIX et un clarinettiste... (La curiosité humaine est insatiable, Wikipedia est sa bénédiction!)

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Plus sérieusement, le projet de Jérémie s'intitule Application des modèles de régression fonctionnelle à la température de l’eau en rivière et à l’habitat du saumon atlantique juvénile.

Résumé :

Mon projet de recherche consiste en l’application à deux problématiques d’une approche statistique assez nouvelle en hydrologie, soit la régression fonctionnelle [1, 2], jusqu’à présent utilisée seulement dans le cas des débits [3-6]. En rivière, une des variables clé affectant l’écosystème est la température de l’eau [7, 8]. Par exemple, une température inadéquate peut rendre les poissons incapables d’effectuer leurs fonctions biologiques [9-11]. De nouveaux modèles doivent donc être développés pour améliorer le pouvoir prédictif et corriger les lacunes des approches classiques (par exemple, certains modèles performent mieux sur des température moyennes hebdomadaires causant ainsi une perte d’information [12, 13]). Ainsi, comme la variable de température de l’eau présente une forte saisonnalité et est de nature continue, il est possible de considérer la série chronologique comme une seule courbe représentant toutes les températures de l’année ou de la saison. Dans la régression fonctionnelle, cette courbe peut être modélisée directement et donne toute l’information sur une année/saison complète de températures de l’eau comparé aux approches classiques basées sur des moyennes journalières ou hebdomadaires. La régression fonctionnelle a été testée sur trois cours d’eau des États-Unis où plusieurs années de températures étaient disponibles (~25 années). La relation entre la température de l’eau et de l’air a été modélisée avec deux modèles fonctionnels et deux approches classiques. Les résultats ont montré qu’un des modèles fonctionnels avait un meilleur pouvoir prédictif que la première approche classique dans 3 des 3 cas testés, et que la seconde dans 2 des 3 cas. Ainsi, l’approche de régression fonctionnelle se veut prometteuse pour modéliser la température de l’eau en rivière tant conceptuellement qu’au niveau des performances. Cette approche permettra aux gestionnaires de ressources hydriques d’obtenir une estimation de toutes les températures de l’eau de l’année à venir en utilisant comme donnée d’entrée du modèle une année de températures de l’air obtenues par un modèle global du climat ou la climatologie passée. Ainsi, les périodes sensibles (très chaudes) pour les poissons pourraient être mieux suivies et cela permettra aussi de déceler des modifications dans le bassin versant par des températures observées différentes que celles attendues par le modèle.

En ce qui concerne la seconde application, elle vise à outiller les gestionnaires aux prises avec les baisses de populations de saumons atlantiques au Canada [14]. Les modèles d’habitat actuels, modélisant un indice de qualité d’habitat à partir des caractéristiques physiques de l’environnement, arrivent peu à prédire la productivité d’une rivière (l’abondance de poissons) [15, 16] et sont souvent non-transférables d’une rivière à l’autre (un modèle développé sur une rivière ne s’appliquera à une autre rivière) [17]. Ainsi, notre hypothèse est que la régression fonctionnelle sera mieux adaptée à cette problématique, pouvant prendre comme variables d’entrée des courbes plutôt que seulement des valeurs moyennes dans les modèles classiques. Par exemple, dans l’habitat naturel du saumon, ce dernier n’est pas exposé seulement à une seule vitesse moyenne, mais plutôt à un amalgame de vitesses qui varient spatialement, pouvant être résumées dans une distribution de fréquence (une courbe). Ainsi, la régression fonctionnelle prend mieux en compte l’habitat réel du poisson par l’utilisation de ces distributions de fréquence des variables qui déterminent la quantité de cet habitat. Pour tester cette approche, 57 sites ont été étudiés sur les rivières Sainte-Marguerite (Saguenay, Qc) et Petite-Cascapédia (Gaspésie, Qc) à l’été 2017. Les poissons ont été échantillonnés par pêche électrique puis l’habitat caractérisé à plusieurs parcelles pour obtenir les distributions de fréquence des variables d’habitat d’intérêt (température, vitesse et profondeur de l’eau, diamètre du substrat) à chaque site. Par la suite, la régression fonctionnelle a été testée pour le tacon âgé entre 2 et 3 ans (celui dont les abondances étaient les plus faibles sur le terrain) en modélisant la présence-absence du tacon en fonction des variables d’habitat. Le modèle fonctionnel a montré un taux de succès de 88% alors que deux modèles classiques ont obtenu respectivement 81% et 77% par une méthode de validation croisée. Ainsi, cette première étape vers une nouvelle génération de modèles d’habitat se veut prometteuse et cette approche pourrait fournir aux gestionnaires halieutiques de meilleures indications sur les habitats préférés par les saumons atlantiques juvéniles. Cela permettrait une plus grande emphase sur la conservation de ces habitats et permettrait de prévoir les impacts futurs d’une modification d’habitat sur le saumon atlantique juvénile. Finalement, le développement et l’application de ces nouvelles méthodes statistiques à des problèmes concrets s’inscrit bien dans un contexte de gestion durable des ressources hydriques, en permettant de mieux comprendre les phénomènes sous-jacents et en donnant aux gestionnaires de meilleurs outils pour modéliser et prédire les impacts futurs sur la ressource en eau.

[1] Ramsay, J.O., Functional data analysis. 2006: Wiley Online Library.

[2] Morris, J.S., Functional regression. Annual Review of Statistics and Its Application, 2015. 2: p. 321-359.

[3] Chebana, F., S. Dabo‐Niang, and T.B. Ouarda, Exploratory functional flood frequency analysis and outlier detection. Water Resources Research, 2012. 48(4).

[4] Masselot, P., S. Dabo-Niang, F. Chebana, and T.B. Ouarda, Streamflow forecasting using functional regression. Journal of Hydrology, 2016. 538: p. 754-766.

[5] Ternynck, C., M.A. Ben Alaya, F. Chebana, S. Dabo-Niang, and T.B. Ouarda, Streamflow hydrograph classification using functional data analysis. Journal of Hydrometeorology, 2016. 17(1): p. 327-344.

[6] Larabi, S., A. St-Hilaire, F. Chebana, and M. Latraverse, Multi-Criteria Process-Based Calibration Using Functional Data Analysis to Improve Hydrological Model Realism. Water Resources Management, 2017: p. 1-17.

[7] Beschta, R., R. Bilby, G. Brown, and L. Holtby, Stream temperature and aquatic habitat: pp. 191-232. Fishery and forestry interactions. Streamside management: forestry and fishery interactions. University of Washington, Institute of Forest Resources. Contr, 1987. 57.

[8] Caissie, D., The thermal regime of rivers: a review. Freshwater Biology, 2006. 51(8): p. 1389-1406.

[9] Salas, J.D., Applied modeling of hydrologic time series. 1980: Water Resources Publication.

[10] Sigholt, T. and B. Finstad, Effect of low temperature on seawater tolerance in Atlantic salmon (Salmo salar) smolts. Aquaculture, 1990. 84(2): p. 167-172.

[11] Bjornn, T. and D. Reiser, Habitat requirements of salmonids in streams. American Fisheries Society Special Publication, 1991. 19(837): p. 138.

[12] Mohseni, O. and H. Stefan, Stream temperature/air temperature relationship: a physical interpretation. Journal of hydrology, 1999. 218(3): p. 128-141.

[13] Benyahya, L., D. Caissie, A. St-Hilaire, T.B. Ouarda, and B. Bobée, A review of statistical water temperature models. Canadian Water Resources Journal, 2007. 32(3): p. 179-192.

[14] Atlantic Salmon Federation and G. Pinfold, Economic Value of Wild Atlantic Salmon. Prepared by Gardner Pinfold. Accessed online: http://asf. ca/gardner-pinfold-report. html, 2011.

[15] Scott, D. and C. Shirvell, A critique of the instream flow incremental methodology and observations on flow determination in New Zealand, in Regulated streams. 1987, Springer. p. 27-43.

[16] Bourgeois, G., R.A. Cunjak, D. Caissie, and N. El-Jabi, A spatial and temporal evaluation of PHABSIM in relation to measured density of juvenile Atlantic salmon in a small stream. North American Journal of Fisheries Management, 1996. 16(1): p. 154-166.

[17] Hedger, R., J. Dodson, N. Bergeron, and F. Caron, Quantifying the effectiveness of regional habitat quality index models for predicting densities of juvenile Atlantic salmon (Salmo salar L.). Ecology of freshwater fish, 2004. 13(4): p. 266-275.

 

 

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