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Au bord du rivage

Autour de nous | Affiché 279 fois | Publié le mardi 21 mars 2023 à 16:14


Au bord du rivage, un texte de Salmata Diallo publié dans le cadre de la Journée mondiale de l'eau

 

Les changements climatiques, ce mot vague qui échoua sur les rivages pour certains, sahel pour d’autres.

Sur ces terres hospitalières, ils arrivèrent, dans les années 70, accompagnés de sècheresses dégraissant troupeaux et pâturages. Sècheresses venues en éclaireur ou en tête de peloton…La question reste posée à la Science.

Quand les vents chauds furent passés, les hommes se relevèrent avec plus de bouches à nourrir et moins de ressources communes.

La pluie revint timidement et l’eau continua à se retirer de la rive. Progressivement les oiseaux abandonnèrent les branches des baobabs et des caicédrats.

Mais là encore, les coups de pilons continuaient de résonner au village et les femmes s’égayaient autour des puits…

Incessamment la brousse devint avare en fibres, fleurs et fruits.

Mais là encore, les couleurs chatoyantes des nattes, des habits, des œuvres d’art, et l’élégance des vendeuses du marché hebdomadaire faisaient partie de la richesse infinie du Liptako-Gourma…

Au regard du déplacement des saisons, le sable le prédit…Alors le lion s’en alla avec toute sa cour pour ne pas croiser le regard du chasseur qui allait bientôt immoler le fils de sa mère à l’autel de la colère et de la vengeance.

Mais là encore les beuglements des animaux en transhumance, les soirées de mariage, les contes au clair de la lune animaient la vie sur le rivage…

Mais là encore, le turban symbolisait pudeur et dignité…

Jusqu’ au jour où fût sacrifié la descendance de Adam et Eve au baptême des conflits agriculteurs-éleveurs…

Mais là encore, les cousinades entretenaient la flamme du bon vivre ensemble.

Puis le sang d’innombrables innocents fût versé, innocents de tous les côtés, du Djoliba au Mouhoun…

Changement climatique, puisse le tribunal de l’histoire ne pas oublier ce mot vague…

Déçus de la justice, et pour conjurer le sort, certains ont trouvé du réconfort dans les bras du désespoir et aux creux des idéologies qui jadis les répugneraient.

Horrifiée, la terre se retourna. Elle mâcha de ses dents la cohésion sociale et l’éducation. Elle broya de ses mains l’humanisme et l’hospitalité. Et sorti de ses entrailles la cruauté, le déshonneur, la misère dans toute sa grandeur et dans toute sa splendeur. Elle oint le repli identitaire. Celui-ci, torse bombée, s’avança avec l’assurance d’un conquérant viril, entouré des quatre côtés par les griots de la mort et les conseillers de la haine. Il tient avec fierté son sabre et arrose de ces paysages assoiffés le sang des laissés pour compte au crépitements des

hurlements des disgraciés. Il jette en pâture les orphelins et célèbre un mariage funeste avec des milliers de veuves sur le chemin de l’exil…

Changement climatique, ce mot vague… qui n’explique pas tout mais qui est pour beaucoup…

Et toi Djoli dans tout ça ! Oui toi Djoliba, toi jadis berceau de plusieurs civilisations. Daigne te battre et t’en sortir de cet ensablement ! Et répands la rosée de la justice, du pardon, de l’équité et de l’entente au-delà du rivage

 

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Texte de Salmata Diallo, doctorante

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Photo: MosaKeit, Cows in a dry river, 2019, licence CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons

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Pour lire sur le fond de la question: http://babillard.ete.inrs.ca/nouvelle.php?id=5420

 

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