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Fake science et prédateurs

Science | Affiché 714 fois | Publié le lundi 6 août 2018 à 11:59 | jean-daniel.bourgault@ete.inrs.ca


Les revues prédatrices, vous connaissez? On vous en a déjà pas mal parlé, mais ne retenez pas votre souffle car ça ne fait que commencer.

Voici que Fake Sciences, un consortium de grandes publications du même genre que celles qui ont débusqués les Panama papers ou publiées les révélations d’Edward Snowden, a réalisé une étude approfondie sur le sujet.

Il en ressort que cette gangrène n’est pas juste une affaire de spams ennuyeux dans votre boîte aux lettres. Elle est devenue aussi manifestement dangereuse, économiquement, socialement et politiquement. Nous sommes en présence d'une épidémie de "fake news" scientifiques dans un monde qui n’avait pas tellement besoin de cela.

De la diffusion de fausses informations à la promotion de médicaments en passant par l’activisme climatosceptique ou antivaccin, voire simplement la volonté de chercheurs de « gonfler » artificiellement un CV : les motivations des chercheurs sont nombreuses. En 2014, des « travaux » publiés dans de telles fausses revues ont par exemple été présentés sous les ors de  l’Académie des sciences française, pour mettre en doute la responsabilité humaine dans le changement climatique en cours… (Le Monde)

La nouveauté de cette étude se décline en deux aspects.

C’est tout d’abord la présence démontrée des prédateurs et des cas douteux dans les grandes bases de données bibliographiques qu’on croyait pourtant plus étanches. La question ne faisait aucun doute pour GoogleScholar (qui ne pose aucun filtre qualitatif à l’entrée), mais il est troublant qu’on ait trouvé un nombre très significatif dans Scopus, voire même Web of science.

Ivan Sterligov, directeur du Centre de scientométrie de la Higher School of Economics (HSE) de Moscou (Russie), a sondé la présence de « journaux potentiellement prédateurs » (JPP) dans la base Scopus. Selon ses résultats, présentés en conférence et en cours de publication, plus de 60 000 articles étaient concernés en 2015, soit 3 % environ du total d’articles indexés dans la base de données, gérée par le géant anglonéerlandais de l’édition scientifique Elsevier. (Le Monde)

La deuxième nouveauté est qu’on sort enfin de l’anecdote et qu’on commence à voir émerger une cartographie de cette fausse science à partir de statistiques par domaines et par origines.

Selon les travaux de M. Sterligov, le Kazakhstan a eu jusqu’à 50 % de sa production scientifique publiée dans des revues douteuses en 2013. En 2015, l’Indonésie était en première place avec 32 %. Deux ans plus tard, cette dernière demeurait à 30 % de sa production nationale dans des revues douteuses, tandis que le Kazakhstan refluait à 15 %. (Le Monde)

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Pour en savoir plus

- Fausse science : il faut une prise de conscience mondiale [Éditorial] Le Monde, jeudi 19 juillet 2018

- Foucart S et Larousserie D (2018) Alerte au business de la fausse science. Le Monde, vendredi 20 juillet 2018. (Accès réservé INRS)

- Larousserie D (2018) Les parodies de conférences scientifiques, une affaire juteuse. Le Monde, vendredi 20 juillet 2018

Une des sources principales de l'article du Monde:

- Savina T & Sterligov I (2016) Potentially Predatory Journals in Scopus: Descriptive statistics and Country-level Dynamics. Nordic Workshop on Bibliometrics and Research Policy 2016 : Workshop proceedings (Copenhagen, November 2-4th, 2016).
 Résumé: https://www.communication.aau.dk/digitalAssets/252/252872_nwb-2016-proceedings.pdf#page=27
 Données et PPT : https://figshare.com/articles/Potentially_Predatory_Journals_in_Scopus_Descriptive_Statistics_and_Country-level_Dynamics_NWB_2016_presentation_slides_/4249394

- Machacek et Srholec (2017) Predatory journals in Scopus : https://idea-en.cerge-ei.cz/files/IDEA_Study_2_2017_Predatory_journals_in_Scopus/mobile/index.html#p=1

 - Des centaines de scientifiques belges publiés dans de "fausses revues". (10 août 2017) LaLibre.be

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