Catégorie

Last call, dernier service

Au 490 | Affiché 294 fois | Publié le lundi 11 septembre 2023 à 16:39


Beaucoup d’eau a coulé sous beaucoup de ponts, voire coulé du plafond, depuis ce 6 mai 1991 où un jeune étudiant chevelu franchissait la porte de l’indescriptible Carrefour Molson (photo), un genre d’entrepôt moche de parc industriel où se déployait alors la partie « sèche » (direction, services et chercheurs sans laboratoires) du centre INRS-Eau. La bibliothèque y était un genre de grotte sans fenêtre au milieu du premier étage.

Après un long voyage temporel plein de belles aventures pittoresques, nous voici à la conclusion du parcours. Last call, dernier service…

C’est donc le temps pour mon coming out…

--

Durant ma maitrise en bibliothéconomie et sciences de l’information à l’UdeM, je désirais venir travailler à Québec pour passer l’été avec ma blonde de l’époque, qui deviendrait la mère de mes enfants un peu plus tard. On était au printemps 1991, avant internet ; j’ai donc envoyé par la poste des dizaines de lettres et de CVs à tout ce que j’ai pu trouver de bibliothèques et services apparentés dans la ville de Québec. Quelques temps plus tard (outre un petit accusé réception tout maigre), mon coloc prend un coup de téléphone pour un emploi potentiel. Une dame me demande de la rencontrer le lendemain matin dans un hôtel du centre-ville où elle est descendue pour une réunion syndicale. À mon retour à l’appartement, je la rappelle aussitôt à sa chambre d’hôtel (on est avant les cellulaires…). Nous convenons d’une rencontre au resto de l’hôtel le lendemain matin. Il est 17h30. S’ensuit alors une course effrénée pour trouver un veston (prêté par un collègue étudiant), une chemise (prêtée par mon coloc) et une cravate (achetée dans une boutique).

Je me rends compte tout à coup que j’ignore pour quelle entreprise travaille la dame avec qui j’ai rendez-vous…! Trop nerveux, j’ai oublié pour poser la question! À l’époque j’ai des amis qui travaillent à l’INO (Institut national d’optique, dans le Parc technologique). J’interroge donc mon coloc (… pauvre Luis!!) sur ce qu’il parvient à se rappeler de la très brève discussion qu’il a eu avec la personne. Je lui demande si c’est par hasard l’INO… « Peut-être, oui » est la réponse. INO / INRS-Eau, la sonorité est assez proche pour une oreille inattentive. Bon, alors mettons les amis à profit. Vers 22h00, j’appelle donc mon copain jeune chercheur à l’INO pour lui poser quelques questions, afin de me préparer et avoir l’air minimalement intelligent. « Elle est comment la responsable de votre bibliothèque? » Réponse : « Bien, c’est une Française… ». Euh…! J’oublie tout le reste car mon cerveau vient de tilter : non ce n’est pas une Française, je viens de lui parler quelques heures auparavant. Définitivement Québécoise par l’accent, donc… euh, je suis largué (surtout que j’ai complètement oublié la liste des endroits où j’ai envoyé une application, malin!)

Vers 8h30, je passe l'entrevue pendant que Mme Renaud déjeune avant sa réunion. À la question « Comment avez-vous entendu parler de nous? », je bafouille quelque chose de vague et d’inconsistant… et je n’ose pas indiquer mon ignorance. J'attendrai la lettre de confirmation.

Conclusion : en quittant l’hôtel ce matin-là, je n’avais aucune idée qui serait mon employeur pour les prochains 32 ans.

(Merci à Sophie qui m’a fait néanmoins confiance mais qui n’est plus là pour en témoigner…)

Merci à chacun et chacune pour le bout de route.

J’ai eu du fun et j’espère que vous en avez eu aussi.

Et longue vie à l’INRS!

photo photo